Un event. Encore un. Décidément, je suis abonnée. Depuis un an et quelques que je suis ici, j’ai l’impression de n’avoir fait quasiment que ça. Mais il est vrai que j’ai un goût certain pour l’évènementiel. Indubitablement. J’aime le faste et l’opulence, et quand on me soumet une soirée sous le thème du victorien, je signe, non pas une, mais bel et bien deux fois. Sans marquer la moindre hésitation, je note soigneusement l’heure et le lieu, hors de question de rater cela.

Le choix de la tenue n’est pas non plus un problème, j’ai déjà la robe appropriée par devers moi, et je sis ravie d’avoir une nouvelle occasion de l’exhiber. En vert émeraude, ma couleur préférée et celle qui me correspond le plus, j’exprimerais entièrement et sans ambages qui je suis. Une créature de Terre têtue, et une Serpentard fière de l’être. Parcourue d’une large bande noire sur le devant, mon habit rappelle pour les fans de symbolique mon côté plus ténébreux et secret - il paraît que je suis d’un abord froid, si l’on écoute les mauvaises langues. Moi je sais très bien qu’en réalité je ne suis chaleureuse que sur sélection, et que ceux qui n’arrivent pas à s’en accommoder aillent au diable vauvert. Tient, lui aussi il est vert. Il n’est pas de petites coïncidences dit-on.

Bien, il est temps de se vêtir. J’aurais horreur d’être en retard. Je chausse des boots confortables pratiquement invisibles sous ma robe, elle-même plutôt agréable à porter. Je suis à l’aise dans ce type de vêtements, car avec les années, j’ai appris à les choisir à la bonne taille pour avoir la place de bouger, et celle-ci ne fait pas exception. Un collier du même tissu que la robe, un pendentif ovale pour faire bonne mesure, et mes cheveux en roue libre sur mes épaules. J’ai une méchante flemme de tenter de dompter ma chevelure en une œuvre d’art complexe, et de toute façon, je ne suis pas coiffeuse. J’aime profiter de l’incroyable longueur de mon poil au naturel. Boucles d’oreilles et bague assortie, une sacoche de cuisse dissimulée sous ma robe et accessible par une fente latérale dans le tissu, et je suis fin prête. Comme souvent quand je me rends à un endroit que je ne connais pas ou à un évènement particulier, j’ai le cœur qui bat la chamade d’excitation.

Lorsque je parviens enfin à l’entrée du Labyrinthe, trois personnes me précèdent. Un couple qui discute avec l’employée et son patron - je la salue aimablement de la tête de loin, me rappelant sa gentillesse lors de ma quête - puis prends la file derrière une femme à la très belle robe couleur perle. Elle est vraiment très élégante, mais je ne suis pas fan des couleurs claires en ce qui me concerne. Sauf le blanc, et encore, il est extrêmement rare que j’en porte. Lorsque vint son tour, j’entends la femme poser des questions, et cette voix m’électrise aussitôt : je suis quasiment certaine de la reconnaître. Tandis qu’elle s’exprime, j’entreprends de la contourner afin d’en avoir le cœur net avant qu’elle ne s’évanouisse dans les tentacules du Labyrinthe :

- Excusez-moi de vous poser cette question mais je ne suis pas certaine d’avoir compris ce qu’était cet événement. J’ai bien compris qu’il y avait un labyrinthe. J’ai cru comprendre que c’était une sorte de musée à ciel ouvert spécialisée, bien entendu, dans votre domaine de vente. Mais j’ai cru également comprendre qu’il y avait un fil rouge ? Un fil d’Ariane ? À suivre au-dedans. Je me demandais donc si cela allait m’être préjudiciable que je sois seule.

Faustine. C’est Faustine. Mon Chaperon Rouge. Je n’aurais jamais cru la retrouver ici. Nous ne nous sommes pas revues depuis que je l’ai aidée pour son défi, et j’en ai été quelque peu chagrin, je dois l’avouer, bien que nous ayons tout de même eut quelques échanges. Ça m’a fait bizarre de recevoir la photo de mon corps saucissonné, toutefois je suppose que c’est une façon de garder le contact et de me donner son numéro sans en avoir l’air. Mais c’est l’occasion de rattraper cela. Ni une ni deux, je me précipite à son secours, posant délicatement la main sur son bras pour attirer son attention :

- Je peux d’ores et déjà vous rassurer très chère, et vous délivrer de votre angoisse. Si ma compagnie vous sied une fois encore, je me ferais une joie d’être à vos côtés ce soir.

Alors même que j’ai le bras posé sur son bras, Faustine me dévisage avec de grands yeux écarquillés. Ma présence la surprend visiblement autant que la sienne l’a fait pour moi. Tandis qu’elle tergiverse le regard perdu dans le vague, j’écoute les explications du gérant. C’est la première fois que je le rencontre, et autant je ne suis pas désagréablement surprise de revoir sa vendeuse, autant j’ai un atroce feeling lorsque je l’observe lui ou que je l’écoute. Bien malgré moi, je place Faustine entre lui et moi pour ne pas être à portée directe de son corps…de ses mains. Il me rappelle trop…quelqu’un. Quelqu’un que j’essaie désespérément d’oublier sur cette île. Ce type me file des haut-le-cœur de dégoût. Instinctivement, mes lèvres se retroussent sur mes dents lorsqu’il prononce mon nom, et je me contente de hocher la tête pour assurer un minimum de politesse à mon attitude. Moi-même envahie par une marée noire de souvenirs qui le sont tout autant, j’entends les explications mais ne m’y intéresse pas. Choisir le caractère ? Personnellement, mes choix sont évidents, mais puisqu’il faut prendre Faustine dans la balance, je pense savoir ce qu’elle pourrait demander. Alors que je m’apprête à lui demander ce qu’elle veut, elle s’empare de ma main et se met à courir, me cachant ce sourire sincère qu’elle a eut lorsque je suis apparue dans son champ de vision. Je ne résiste pas et la laisse m’entraîner à sa suite, adressant un petit signe de la main à la vendeuse du magasin en partant. Puis je suis obligée de me concentrer pour ne pas perdre l’équilibre et tenir ma robe pour éviter de me vautrer. Prise par la course, je vois défiler quelques-unes des scènes évoquées par le gérant tandis que nous les dépassons sans ralentir. Mince, curieuse de tout comme je le suis, j’aurais aimé toutes les voir. Mais ma douce ne semble pas vouloir ralentir. Je suis vraiment heureuse d’avoir choisi de confortables et solides boots sous ma robe, c’est vachement pratique pour courir.

Finalement, après maints détours, elle s’arrête, lâche ma main et pose les mains sur les genoux pour reprendre son souffle. Je ris intérieurement. Étant moi-même une grande sportive avec une excellente condition physique, j’ai, dès le début de la course, adapté ma respiration et mon souffle pour ne pas me faire semer. Je suis donc bien moins essoufflée que ma douce. Qui plus est, je fais de plus grands pas qu’elle, ce qui m’a permis de ne pas me faire distancer. Sa respiration à peine récupérée, la voilà qui m’observe, puis qui part d’un grand éclat de rire à demi-contrôlé. Je hausse un sourcil intrigué, mais ne pipe mot, attendant des explications. Heureusement, elles ne tardent pas à venir.

- Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je t’ai regardé et… je me suis mise à courir. Je suis perdue. Je suis en train de stresser. Je… suis toute à toi. Je te fais confiance pour nous sortir d’ici maintenant.

Ow. Ow ow ow. Damned. L’avant-dernière phrase m’a fait buguer. Celle juste avant m’inquiète davantage en revanche. Je me reprends et m’avance doucement vers elle, avant de l’enlacer et de nicher avec tendresse sa tête dans mon giron. Je l’étreins très légèrement, juste assez pour qu’elle sente ma présence comme rassurante et pas oppressante ou limitante. Tout en inspirant avec délectation la douce odeur de ses cheveux, j’y dépose un baiser et la rassure, mon esprit cartésien fonctionnant à plein régime :

- Tranquillise-toi bellmia. Tout ira bien, nous ne sommes pas perdues. Le but de ce labyrinthe n’est pas de nous perdre mais de nous amuser. Nous n’avons qu’à tomber sur une des scènes qu’ils ont mentionnées pour rependre le fil de la soirée. Tu es en sécurité avec moi.

Et c’est vrai. Étant moi-même très demandeuse de sécurité affective et émotionnelle, je suis toujours très protectrice avec mes amants - du moins, avec ceux auxquels je me suis attachée, ce qui n’est pas si fréquent. Je n’en suis pas pour autant jalouse ou possessive, et laisse la liberté à autrui du moment qu’il n’empiète pas sur la mienne. Chacun est maître de son corps. Et j’aime vraiment beaucoup avoir le mince corps de Faustine contre le mien. J’aime les câlins, et pouvoir entourer de ma force l’objet de mon désir me procure une immense satisfaction. J’ai quelques côtés un peu masculins, je l’avoue. Et protéger ma princesse, c’est un de mes grands plaisirs.